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09 octobre 2020

Hommage / Michel Cornaton (1936-2020)

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Michel Cornaton devant chez lui à l'époque où il habitait Meillonnas dans l'Ain (Photo C. C-E)

Je viens d’apprendre avec une grande tristesse la disparition lundi 5 octobre de Michel Cornaton, professeur de psychologie à l'Université de Côte d'Ivoire, Abidjan (1979-1983), professeur de psychologie sociale à l'Université Lumière-Lyon II (en 1991), directeur-fondateur de la revue littéraire Le Croquant, docteur ès-lettres (psychologie), docteur en sociologie et écrivain.

J’ai eu le privilège de le connaître et de le fréquenter durant les décennies de parution de la revue Le Croquantqu’il avait fondée en 1987.

À sa demande, ce qui m’avait beaucoup surpris et flatté alors que je n’avais que vingt-huit ans, j’avais dès le début de la belle aventure du Croquant rejoint le comité de rédaction.

Les réunions chez lui à Meillonnas dans la maison Roger Vailland puis dans son grand appartement lyonnais et parfois chez des collaborateurs de la revue donnaient lieu à des échanges d’idées qui furent pour moi très formateurs.

À travers ce bref hommage simplement dicté par l’amitié (d’autres que moi sauront mieux restituer son parcours brillant et parfois atypique) je souhaite surtout évoquer l’admiration que m’inspiraient ses exceptionnelles qualités humaines, son sens de l’empathie, son attention aux plus humbles, son humour  distancié et bien sûr son immense culture.

Je ne partageais certes pas toutes ses analyses et ses opinions sur certains sujets sensibles qui le sont plus encore aujourd'hui. Cependant, pour un intellectuel et un universitaire de cette stature, il avait gardé intacte en lui la fraîcheur de celui qui préfère comprendre plutôt que juger mais qui ne peut ni ne veut en aucun cas s’habituer à l’injustice.   

Je n’oublierai pas ces moments de convivialité au cours desquels les discussions informelles entre les nombreux artistes, écrivains, poètes et intellectuels qu’il excellait à réunir autour de ce vin jaune, notamment le Château-Chalon qu’il appréciait et qu’il aimait partager, pouvaient révéler le meilleur de chacun.

Je m’en tiendrai là pour l’instant mais je continuerai comme je le fais de temps à autres sur ce blog à parler de Michel toujours vivant dans mon esprit et de sa revue qui fut à bien des égards, dès les premiers numéros, d’une remarquable pertinence sur de nombreux thèmes aujourd’hui plus que jamais d’actualité.

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Une petite partie de l'équipe de la revue Le Croquant en 1991

Au premier rang, de gauche à droite : Eva avec le chat Crapouille, Marie-Laure et Jean Tardieu. Au second rang : de gauche à droite : Christian Cottet-Emard, Fabienne et Michel Cornaton, Renée et Paul Gravillon (photo Sylvette Germain)

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Michel « croqué » par l'écrivain Marin Sorescu

 

06 octobre 2020

Manège

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Un petit avion rouge t’emmenait aux cimes de sept platanes dans l’odeur des berlingots et des frites

Il n’en reste aujourd’hui que trois près de l’église cernée par un parking payant

Ici on gagne à tous les coups tonnait la voix du forain

 

Les autos qui tournaient en rond ont été remplacées par des vraies qui ne vont guère plus loin

 

et le pompon ne donne plus droit à un tour gratuit

Mais il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants

 

Extrait de mon recueil Estime-toi heureux © Éditions Orage-Lagune-Express


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on trouve une variante de ce texte dans mon recueil Poèmes du bois de chauffage, dans la quatrième section (La lune du matin et autres récits de l'homme invisible) page 197.

 

05 octobre 2020

La jeune fille aux sandales de sable

En vain la mer fait le voyage

Du fond de l'horizon pour baiser tes pieds sages.

Tu les retires

Toujours à temps.

 

- Léon-Paul Fargue -

 

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La jeune fille pose le pied sur le quai désert. Elle est chaussée de tennis à la toile défraîchie par le voyage.

 

Dans un nuage des montagnes, l'autorail s'est enveloppé d'une pellicule de gouttelettes.

 

Maintenant qu'il ronronne à l'arrêt sous le soleil de la plaine, quelques irisations perlent encore à la surface de ses tôles et de ses vitres grasses.

 

Unique passagère à descendre dans cette gare, la jeune fille tire sa valise souple à roulettes à l'ombre d'un cèdre où elle a repéré un banc en ciment ébréché.

 

Elle repense aux jardins piquetés de Perce-neige qu'elle a quittés pour ce pays où mûrissent des citrons.

Cette pensée lui vient à la vue d'un lampadaire encore inexplicablement allumé dont le verre a la forme d'un citron mais dont la lumière inutile évoque la blancheur scarieuse des globes de Perce-neige.

 

Les dernières brumes du petit matin s'effilochent dans la chaleur.

 

La jeune fille jette un rapide regard autour d'elle, délace ses tennis et étend ses pieds moites dans un rayon de soleil. Lorsqu'ils sont secs et lisses, elle se rechausse à regret, se lève et tire sa valise à roulettes.

 

Elle traverse les voies puis marche un moment dans des rues encore vides.

 

Du haut d'un mur délabré, un chat la regarde passer en clignant des yeux.

 

D'un pas régulier, elle effleure la poussière sans prêter attention à son ombre le long des dignes façades rayées de persiennes. Parfois, les roulettes de la valise se bloquent en crissant sur du sable.

 

Bientôt, les murs des maisons perdent de leur superbe et l'ombre de la jeune fille s'étire contre une haute palissade de bois clair.

 

Apparaît une porte de bois lessivée par les intempéries et ornée d'un heurtoir en forme d'hippocampe.

 

La jeune fille frappe, ouvre la porte et cela provoque un courant d'air tiède qui dépose une fleur de sel sur ses lèvres.

 

Dès que la porte est refermée, une brise à peine plus fraîche l'enveloppe doucement.

 

Immobile, elle frissonne devant l'océan qui respire comme un gros chat endormi puis tire de nouveau sa valise sur un chemin de caillebotis.

 

Elle s'arrête pour enlever ses tennis dont elle lie les lacets pour les suspendre autour de son cou.

 

La brise marine vient apaiser ses pieds nus sur les lamelles de bois.

 

Un vendeur d'étoffes et de bimbeloterie s'écarte devant elle et lui conseille de prendre garde aux clous qui peuvent dépasser car, insiste-t-il, il n'est pas question de blesser et d'abîmer des pieds aussi fins et délicats qui ne sauraient se contenter de sandales de sable alors que de belles espadrilles jaunes, violettes, bleues ou rouges vraiment pas chères les protégeraient en beauté.

 

Heures, minutes, et secondes se dissolvent dans le temps spécifique des dunes.

 

Le vendeur, le chat qui cligne des yeux, l'autorail irisé, le voyage, tout est reparti au large.

 

Quant à la jeune fille, elle marche dans l'écume et éprouve une joie tranquille.

 

Elle ne s'étonne en rien de sa propre splendeur ni de celle du paysage maritime.

 

Elle pense juste, en regardant ses pieds, qu'à chaque flux et reflux, l'océan s'amuse à lui retirer ses sandales de sable.

 

aux grands jours,club,christian cottet-emard,la jeune fille aux sandales de sable,recueil,récit onirique,blog littéraire de christian cottet-emard,club littéraire des amateurs de cigares,édition,autorail,océan,voyageExtrait de mon recueil récemment paru Aux grands jours.

Tableau : Seul à la plage - Hughie-Lee Smith, 1957.